Analyser les enjeux d’un débat législatif au prisme de questions parlementaires
La base de données rassemble les questions posées à l’Assemblée nationale sur le travail détaché au cours de la 14e législature (2012-2017). Les données ont été aspirées de manière automatique depuis le site de l’Assemblée à partir d’un ensemble de termes (travailleurs détachés, travail détaché, dumping social et européen, détachement de travailleurs, prestation de service internationale, prestation de service transnationale), puis vérifiées une à une, afin d’éviter de garder des questions qui ne se rapportent pas directement au sujet traité.
La base est composée de 481 questions. L’analyse de leur contenu s’inscrit dans le sillon de travaux ayant recours à la lexicométrie pour étudier les débats parlementaires nationaux ou européens (Proksh, Slapin, 2010 ; de Galembert et al., 2013). Le logiciel libre Iramuteq a permis de repérer les répétitions, co-occurrences et distances entre les termes employés par les députés, et de faire émerger différents « mondes lexicaux » (Reinert, 2007). Outre le contenu discursif des questions, la base comporte un ensemble d’informations relatives à leur date, leur forme, et leur ministre destinataire. Leur mise en relation avec des données sur les parlementaires et leur territoire politique permet d’associer le contenu et les caractéristiques des questions sur le travail détaché avec celles de leurs auteurs.
Les mondes lexicaux distingués correspondent à des registres à travers lesquels sont politisés les enjeux relatifs au travail détaché et à son encadrement, mais aussi, plus largement, des figures de la représentation parlementaire. Ces différents rôles parlementaires sont plus ou moins endossés par les élus en fonction de leur appartenance partisane. Le premier rôle distingué sert ainsi une entreprise de morale à la fois localisée et politiquement élargie au-delà du détachement, contre le libéralisme économique. Y recourent surtout des députés peu centraux dans l’hémicycle, en dehors des partis de gouvernement. Un second rôle se rapporte à une contribution parlementaire à la fabrique des réformes, et caractérise significativement des députés de la majorité gouvernementale socialiste. Enfin, un troisième rôle correspond à la défense d’intérêts sectoriels et/ou patronaux, spécifique aux députés de l’opposition de droite.
La méthode employée est une manière d’analyser les ressorts des prises de position au cours d’un débat parlementaire. Le jeu de données proposé peut donner lieu à des compléments (questions posées au cours des législatures suivantes, dans d’autres parlements, caractéristiques des députés et de leur circonscription, etc.) et à des comparaisons (avec d’autres enjeux, avec des corpus équivalents dans d’autres parlements, etc.). Le jeu de données est aussi un exemple d’étude au concret du travail parlementaire et des textes législatifs qui se rapportent à des enjeux d’action publique, notamment européen. Il est, enfin, mobilisable dans le cadre d’exercice pédagogique sur l’analyse textuelle.